Saint-Agathe, le fromage de chèvre au lait cru de Saône-et-Loire

SAINT-AGATHE, LE FROMAGE DE CHÈVRE AU LAIT CRU DE SAÔNE-ET-LOIRE

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La nuit est encore noire. Un air de rock surgit des ténèbres. Il croît à mesure que nous approchons de la bâtisse, et avec lui, la lumière. L'air fleure bon le foin frais. Dans la grange, c'est soudain la tiédeur, le frémissement de bêtes paisibles, puis Adeline, 40 ans, une mince silhouette musclée en short et débardeur, un anneau d'argent à chaque doigt. Une vision rock'n roll dans un cadre pastoral. Il est 5h30 du matin. La maîtresse des lieux est déjà en train de soigner ses chèvres et de préparer leur traite. Or cette heure matinale reste raisonnable par rapport au rythme qui l'attend dans deux semaines, lorsque ses bêtes commenceront à mettre bas.

Adeline attend avec impatience et appréhension à la fois ce moment qui conditionne toute son année. « A chaque femelle qui naît, c’est une explosion de joie ! » Elle aime ces nuits courtes où paraissent les petits, les femelles qui produiront le lait, celles qui porteront la relève, et les mâles, qui partiront à l'engraissement, les 16 boucs présents assurant à eux seuls le renouvellement du cheptel de 250 têtes barbichues. Native de la région, elle travaille depuis 22 ans auprès des chèvres. Cela fait cinq ans qu’elle a réalisé son rêve et créé son propre élevage. « Sans mes chèvres, je ne suis pas grand-chose ! », affirme-t-elle avec cœur.

Un petit chat maraude, que l'éleveuse nourrit de lait caprin et de croquettes. La mère du matou arrive, elle est son portrait craché. Tandis que nous entrons dans l'enclos, une chèvre vient se coller à Adeline. C'est Ninjago, l'une de ses grandes favorites. L’animal pose la tête sur son bras, puis sur son ventre, et reste de longues minutes, immobile, à profiter des caresses que l'éleveuse lui prodigue évoquant son troupeau. On croirait presque l'entendre ronronner… la chèvre. Adeline rompt l'idylle pour poursuivre les présentations : "Viens Ninjago, on va aller voir ta fille !". Sa fille, Sibelle, une autre favorite... Le privilège s'étend souvent à la lignée. Les autres chèvres s'approchent des visiteurs, hissent la tête au-dessus de la barrière de bois.

Parmi eux, Thomas, le jeune fromager, créateur du Saint-Agathe, auquel le lait d'Adeline permet de faire de si bons fromages. Il s'esclaffe : "Ce sont de vraies commères !". Les chèvres gestantes, rendues plus affectueuses encore par leur état, s'approchent, reniflent, s'agglutinent, mordillent avec curiosité tout ce qui dépasse, poche de jean, pan de chemise ou bloc-notes. D'autres bêtes, alignées, mangent en vis-à-vis le foin produit par la ferme, de part et d'autre de la grosse mangeoire.

« Un élevage ne ment pas. On voit tout de suite comment les chèvres sont élevées. Chez Adeline, elles sont cool, sociables, tellement affectueuses ! »

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De race alpine, le poil brillant, la majorité des biquettes arborent gracieusement une déclinaison lustrée de différents bruns soulignés par un ventre, une échine ou une queue couleur charbon. Oreilles dressées, elles sont détendues. C'est l'heure ! Adeline lance le mouvement, les pousse vers la zone de traite. "Allez ! Allez !"  Le son du grain remué au bout du quai de traite vient à bout des hésitations. Les chèvres s'alignent. Précise, efficace, Adeline répète le geste réalisé des millions de fois : brancher le faisceau trayeur sur les deux trayons de la mamelle, impressionnante entre les pattes menues. Tout en l’écoutant parler de son troupeau, Thomas l'aide à brancher les griffes. Il aime ce rapport avec les bêtes. « Un élevage ne ment pas. On voit tout de suite comment les chèvres sont élevées. Chez Adeline, elles sont cool, sociables, tellement affectueuses ! » Ses relations avec les éleveurs sont fondées sur la confiance. Sur l'aide, aussi.

La chèvrerie est étonnement silencieuse. Les chèvres ne bêlent pas. Elles sont calmes. Elles sont bien. On n'entend que le bruit des petits sabots sur le quai de traite, celui du foin brassé par leur museau, les sifflements d'Adeline ponctués de "Allez ! Allez ma belle !" Les chats promènent leurs moustaches entre les carins. Une chèvre à longue barbe semble mâcher nonchalamment un chewing-gum.

Chaque bête aura donné environ 2,5 litres d'un lait à la blancheur dense, opaque, à l'odeur délicate, presque fruité en bouche, crémeux.

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Adeline assure la traite du matin. Sa mère se charge de celle du soir. Lorsque la mamelle est tarie, la griffe se détache seule. Chaque bête aura donné environ 2,5 litres d'un lait à la blancheur dense, opaque, à l'odeur délicate, presque fruité en bouche, crémeux. Puis mamelle dégonflée, les chèvres traites attendent patiemment que leurs compagnes aient également fini. "En fait elles se comportent comme nous ! Si on est cool, elles le sont !" explique Adeline. Puis elle lance à une chèvre : "Rustine, dépêche toi !" Et à nous : "C'est Rustine qui bloque ! Elles sont aussi difficiles à monter qu'à descendre !" En effet, Rustine, la bien nommée, obstrue la sortie du quai qu'attend une deuxième tournée.

Une fois la traite achevée, Adeline les conduit dehors. Le soleil se lève sur la campagne charolaise, verdoyante malgré l'été caniculaire. Sur les prés et les bois, effaçant un ciel d'un rose sombre et intense, le soleil darde ses premiers rayons doux. Les chèvres suivent leur éleveuse comme les insectes autour d'une lampe, petits pots de glu poilus. Pantoufle avance avec nonchalance, Rase-moquette à la vitesse que permettent ses petites pattes. Les noms nous viennent quand elles naissent. Toutes celles que l'on prénomme finiront leur vie à la ferme, même si elles ne produisent plus."  Entre Adeline et les bêtes, c'est une véritable histoire d'amour. Elle réunit les laitières dans un espace, les chèvres gestantes dans un autre, mais toutes peuvent sortir librement la nuit de cette chèvrerie ouverte. Les chevrettes d'élevage seront abritées dans un autre bâtiment. À cet affectueux cheptel s'ajoutent trois chiens, dont un Beauceron à trois pattes, un autre autiste, et une border collie de 3 mois qu'elle fera travailler. Ils gardent sa maison, qui jouxte la ferme.

C'est enfin l'heure du petit-déjeuner, celle à laquelle nous rejoint Annie, maman d'Adeline, qui est associée avec elle et assure la traite du soir. C'est aussi l'heure à laquelle Thomas rejoint sa fromagerie où la préparation du fromage, à laquelle il participe d'habitude, a déjà bien avancé. Car à 7h, le chauffeur chargé de la collecte du blanc liquide est passé. Il s'est branché sur la salle de traitement du lait qui s'est déversé dans les cuves de maturation. Le lait cru, chauffé à 25 degrés, s'est vu ajouter du petit lait de la veille et présure. Une heure après, ensemencé et brassé, il est réparti dans les bassines de la salle de caillage. Ici, il se transformera doucement pour gagner l'état solide qui permettra de le mouler. Puis le caillé gagne la salle de fabrication. C'est là que le chemin du petit lait se sépare. Il prendra la route d'une porcherie dont il engraissera les porcs élevés en plein air.

C'est l’une des exigences du Saint-Agathe : pour obtenir un fromage dense, qui ne s'écrase pas, il ne faut pas casser, ni même brusquer le caillé.

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Le caillé, avec délicatesse, est placé dans des moules. C'est l’une des exigences du Saint-Agathe : pour obtenir un fromage dense, qui ne s'écrase pas, il ne faut pas casser, ni même brusquer le caillé. La matière s’affaisse progressivement. Après homogénéisation, Cécile, chargée aujourd'hui du moulage, place des réhausseurs sur chaque faisselle pour ajouter du caillé. C'est la garantie d'un fromage haut. Lorsque le mélange s'est tassé, que la réhausse est vide, Cécile retire cette dernière, prend un nouveau moule et retourne dedans le contenu pour qu’il s'égoutte dans l'autre sens. On dirait du flan, en gros beaux morceaux appétissants, denses et lisses, couleur crème. Règne une odeur fine de bon lait frais. Les jeunes fromages passeront là trois jours, quotidiennement retournés pour changer de face. Toutes les opérations sont réalisées à la main.

Dans une autre salle, d'autres fromages ayant achevé leur égouttage sont démoulés. La pièce dégage une belle odeur de chèvre frais. Après le séchage sur toile pendant un jour ou deux, puis le séchage sans toile pendant trois jours lorsqu'ils sont suffisamment affermis, sens dessus dessous car on les retourne quotidiennement, les fromages gagnent la salle d'affinage.

C'est là qu'au bout d'une quinzaine de jours se produira ce phénomène typique de Saône-et-Loire : une robe de pénicillium bleu viendra les habiller, leur donnant cet aspect et ce goût propres au Charolais, ces saveurs de sous-bois et de champignon qui s'ajoutent au parfum de fleurs et de foin frais typique du lait de pâture. Pour un affinage homogène, ils seront régulièrement retournés. Le cheminement complet aura duré au moins trois semaines. Dans chaque salle, le personnel de fabrication manipule, verse, lisse, tourne, étiquette... Une fourmilière calme dont Thomas est le chef d'orchestre, et qui fleure bon le fromage de qualité.

 

Plus qu'un fromage : c'est une réussite familiale !

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Thomas a tout appris de son père. Il forme lui-même tous ses employés afin qu'ils fabriquent avec le degré d'exigence qui le caractérise. Thomas réussit tout ce qu'il fait. En BTS automobile il participe avec un véhicule conçu par son école au Shell éco marathon et devient champion du monde de distance en voiture à hydrogène : 1500 km parcourus avec l’équivalent d’un litre d’essence. Il n’a toujours pas été détrôné. Mais à 18 ans son stage d’études lui laisse entrevoir un avenir fait de bureaux. Pour un hyperactif passionné de sport automobile et de fromage, la chose est impossible. Lors d’un passage chez ses parents, il annonce, à la grande joie de son père : "Dans deux ans je reprends l’entreprise !"  Il achève son BTS, enchaîne avec une licence de gestion, et à 19 ans, reprend les rênes de la fromagerie avec une fermeté et une exigence qui laisseront son monde pantois, attireront les producteurs et assureront à la fromagerie un beau rayonnement.

La matinée de travail s’achève. Joël, le père de Thomas, vient faire son tour quotidien. Il possède un beau regard bleu, le sourire de l’homme bon. Entre lui et Thomas règne une grande complicité. On perçoit la fierté du père pour son fils, l’amour du fils pour son père. Le symbole de cette belle relation : un moment de partage, sur une table de bois devant la fromagerie, d'un Saint-Agathe affiné, ferme et crémeux, délicatement habillé de sa robe bleutée. Plus qu'un fromage : c'est une réussite familiale !

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