Les moules et huîtres de Gouville-sur-Mer

LES MOULES ET LES HUÎTRES DE GOUVILLE-SUR-MER

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« Tu t’en vas faire le dernier des métiers ! » C’est en ces termes que la grand-mère de Michel l’encouragea lorsqu’en 1967, de retour de son service militaire comme hussard parachutiste, il décida de se lancer dans la mytiliculture. Son père, maçon comme le furent son père et son grand-père, construisait alors la maison d’un mareyeur. C’est ainsi que Michel entendit parler de l’élevage naissant de la moule sur la côte Ouest de la Manche. Il se jeta dans l’aventure et développa au fil des ans ce qui est aujourd’hui le premier des métiers à Gouville-sur-Mer et sur cette côte préservée de la Normandie classée Natura 2000 : un magnifique élevage de moules et d’huîtres totalement naturelles !

L’audace prévalant sur la sagesse lorsqu’il s’agit de créer, Michel partit donc… de rien. « On se rendait à la mer en traction, on plantait les pieux à la masse, on cueillait à la main ! On travaillait tout le temps ! Puis on s’est modernisés, j’ai eu mon premier tracteur, les premières grues qui permettaient de cueillir directement sur les pieux. » En parallèle, Michel se chargeait de la commercialisation de ses moules. Trois fois par semaine, il partait à Paris faire la tournée des poissonniers. « Je dormais 1h par nuit, livrais une trentaine de poissonniers, finissais le camion à Rungis où je laissais mes sacs de moules sous la vigilance des gardeuses, d’anciennes prostituées qui surveillaient le poisson. Et je rentrais au petit matin. »

Puis dans les années 70, il s’est lancé dans l’ostréiculture pour se diversifier. Aujourd’hui ce sont ses fils qui gèrent l’élevage. Rodolphe, l’aîné, s’est rapidement chargé des huîtres. Stéphane, le cadet, a repris les moules lorsque Michel s’est retiré. Mais on ne délaisse pas la passion d’une vie, et Michel revient souvent, dans le hangar et sur les dunes. En ce beau matin de juillet, le tracteur chargé du conchyliculteur et de ses fils prend la route du parc de stockage de Gouville-sur-mer, le long de la plage de l’Estran, où les moules et huîtres prêtes à être consommées attendent leur heure pour être conduites au hangar de tri, nettoyées dans les bassins et expédiées. Les trois hommes profitent également des mortes-eaux (marées de très faible amplitude) pour travailler les jeunes huîtres.

En grande marée, lorsque la mer sera basse, ils iront chercher au large de nouveaux coquillages pour remplacer dans la réserve ceux qui sont partis dans les assiettes, et les y travailler.

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Au sommet de la dune préservée constellée de chardons bleus, piquée d’oyats et de quelques fleurs jaunes, on aperçoit les cabines blanches surmontées de toits colorés qui ont fait la célébrité de Gouville-sur-Mer. En contrebas résonnent les cris des enfants joueurs, le bruit d’un bateau à moteur. On aperçoit quelques baigneurs prudents immergés jusqu’à la taille et plus loin, sur le sable beige et fin, les parcs qui s’étendent vers le large, comme de petites tables à mille pattes sur lesquelles reposent les poches emplies de coquillages que les algues parent de verdure. Des pieds bruns sous un lit de mousse.

Le trio besogne, immergé jusqu’à mi-jambes, buriné par le soleil normand, tandis que des promeneurs baguenaudent entre les tables à huîtres. En grande marée, lorsque la mer sera basse, ils iront chercher au large de nouveaux coquillages pour remplacer dans la réserve ceux qui sont partis dans les assiettes, et les y travailler. Au loin, perché sur un tapis d’eau bleue, le phare du Sénéquet plante son pied noir sur son rocher et dresse son corps blanc couronné d’une tête grisée.

L’air est iodé, chargé d’embruns en filigrane. Jersey détache ses contours, Chausey ses îles innombrables. Michel hume l’air à pleins poumons. « Je suis né ici ! L’endroit où on est né, on l’adore. »

Dans cette zone protégée, la mer est rythmée par les plus grandes marées d’Europe, et c’est l’un des gages de qualité des coquillages

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Dans cette zone protégée, la mer est rythmée par les plus grandes marées d’Europe, et c’est l’un des gages de qualité des coquillages : remués par des marnages pouvant atteindre jusqu’à 14 m, alternant vie sous l’eau et hors de l’eau de longues heures durant (on dit qu’ils sont « trompés »), ils se musclent et peuvent garder coquille close, s’assurant une longue viabilité une fois sortis de leur habitat naturel. L’amplitude des marées permet aussi de disposer de très grandes étendues pour l’élevage.

Le rythme… c’est le maître-mot de tout élevage naturel. « C’est la nature qui contrôle le tout ! », rappelle Rodolphe. La période de fécondation est imminente, elle n’attend qu’un choc thermique pour se déclencher. Alors commencera le cycle de 3 ans que suivent leurs huîtres avant d’être consommées. Lors du choc thermique, ces coquillages hermaphrodites évacuent leur semence. Des collecteurs seront posés, sur lesquels les larves pourront s’accrocher et grandiront jusqu’à janvier. En février, ces huîtres minuscules seront décollées de leur support et stockées en poche pour croître et durcir. Comme les températures normandes ne permettent pas le développement des larves, ce « grattis » sera acheté au printemps à Arcachon et en Charente. Il sera réparti dans des poches et remis en mer dans des parcs proches de la côte manchoise pour pouvoir être travaillé, c’est-à-dire régulièrement retourné. Ainsi, au lieu de pousser rapidement en longueur et de former des « oreilles de lapin », les huîtres s’arrondiront.

En septembre, les coquillages auront grandi. Les poches ressorties seront divisées en trois et placées dans des parcs situés plus au large jusqu’au printemps suivant. Un an plus tard, ressorties des eaux, elles seront à nouveau séparées, cette fois par calibre. Les plus grosses repartiront au large pour un développement plus rapide. Si elles poussent bien, elles seront péchées en octobre ou novembre. Les autres poursuivront tranquillement leur croissance et gagneront le large l’année suivante.

Ses fines de pleine mer ont en effet leur caractère. Assez iodées, de parfum délicat, elles révèlent des notes de noisette et de topinambour.

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Rodolphe observe ses huîtres prêtes, oblongues, rondes dessous, plates sur le dessus. Une fois calibrées, il les renverra à la mer pendant au moins un mois pour qu’elles redurcissent, puis les pêche au gré des besoins. « Les huîtres, c’est vraiment un terroir ! C’est comme les vignes. Selon l’endroit où elles sont élevées, elles sont très différentes. » Ses fines de pleine mer ont en effet leur caractère. Assez iodées, de parfum délicat, elles révèlent des notes de noisette et de topinambour. Leur incroyable umami se déploie dans une très belle longueur en bouche. Leur durée de conservation hors mer force l’admiration. C’est en février que leur goût est à son apogée. « Nous ne faisons que des huîtres naturelles, s’enorgueillit Rodolphe. Nous sommes traditionnels tant par le choix du produit que par son élevage. C’est un métier passionnant, de travailler à la mer, d’élever des coquillages, de goûter le plaisir du consommateur. »

Il faudra de 13 à 18 mois pour produire une moule prête à consommer.

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Pour les moules comme pour les huîtres, les eaux fraîches de Normandie ne permettent pas la reproduction. En février et mars, période de la fraie, Stéphane fait poser des cordes de coco de 100 m de long sur des chantiers en mer, en Charente, en Vendée et au sud de la Bretagne, où l’eau est propice à la reproduction des moules. C’est le captage. Les moules fraîchement nées viennent se fixer sur les cordes par le byssus, faisceau de filaments qui leur permet de s’accrocher.

Dès la fin du mois de mai, ces cordes sont ramenées au fil des besoins à Gouville, coupées de 10 m en 10 m, et accrochées sur des pieux de bois enfoncés dans le sol et dépassant de 2 m le dessus des eaux à marée haute. Ce sont les bouchots. Les cordes constellées de moules minuscules sont accrochées par un clou en leur sommet, puis enroulées en spirale et attachées à leur base par un élastique. Cet ensemencement des pieux se déroule de juillet à début octobre. Les moules se développeront sur le bouchot, le noircissant peu à peu de leurs coquilles croissantes. Stéphane posera à mesure de la pousse des filets de protection pour que les tempêtes n’arrachent pas les coquillages.

Il faudra de 13 à 18 mois pour produire une moule prête à consommer. Elles seront donc récoltées un an plus tard, de juin à décembre. Stéphane vient alors en tracteur ou bateau pourvu d’une grue. Le cueilleur hydraulique referme ses deux trappes en bas du piquet d’élevage, saisissant toute la grappe de moules et la remontant. « C’est un plaisir pour un mytiliculteur d’aller chercher ses moules au large ! Mon plus grand bonheur est d’y aller la nuit. Le lever du jour lorsqu’on est seul à la mer, ça n’a pas de prix ! Et ces odeurs du petit matin en mer… » 

Les moules de bouchot sont produites dans toute la France. Mais ici, elles sont musclées par les marées et légèrement iodées.

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Rapportées dans le hangar de tri, les moules sont ensuite détachées des filets qui les enserraient et purifiées dans plusieurs bassins d’eau de mer réfrigérée, sous des lampes à UV nettoyant l’eau des éventuelles bactéries. Puis les moules sont lavées de nombreuses fois, calibrées et conditionnées. Les trop petites seront utilisées dans des recettes, les coquilles revalorisées dans la fabrication de lunettes. De nouvelles cordes seront installées à marée basse sur les pieux libérés. « Le meilleur ami du mytiliculteur, c’est l’annuaire des marées. C’est notre horloge ! »

Ces moules, toutes de variété mytilus edulis, aussi appelée moule bleue du Canada, sont des moules de bouchot, du nom du pieu sur lequel elles sont élevées. L’origine en est historique. Autour d’un bateau naufragé, des pieux étaient restés. Des moules s’étaient naturellement accrochées dessus. Le pieu s’appelait un bouchot, elles en ont pris le nom.

Les moules de bouchot sont produites dans toute la France. Mais ici, elles sont musclées par les marées et légèrement iodées. Longues de 4 à 5 cm, de coquille très noire et brillante, comme vernie, de chair orangée, tendres et fondantes en bouche, mariant leur salinité à une légère sucrosité, elles doivent cuire peu sous peine de rétrécir et durcir. « Il faut juste les faire bailler, explique Stéphane. Du beurre, de l’échalote, faire revenir jusqu’à bâillement, verser un coup de vin de blanc, ajouter du persil en servant, et ne surtout ne pas saler ! C’est un délice ! » Autre atout, ce coquillage est très protéiné et d’un bilan carbone fort bas.

Le travail de la matinée achevé, les trois hommes arpentent la dune qui surplombe la mer, le long des cabanes de Gouville, visages souriants, épaules carrées, mollets musclés, mains noueuses… silhouettes de marins et de travailleurs. En contrebas, les tables à huîtres et cadres à moules de la réserve se déploient. Les trois hommes sont vêtus de bleu, des tee-shirts aux chaussettes, casquette comprise ; chaussures marron, yeux bruns : la mer et la terre mêlées. Enracinés au bord de l’eau... C’est la Manche !

 

   

   

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